Avis JDP n° 394/16 – COSMETIQUES/MAQUILLAGE – Plainte fondée

Avis publié le 25 janvier 2016

Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et, après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 12 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 25 novembre 2015, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée, en affichage et sur les lieux de vente, par une société du secteur de la parfumerie et beauté pour un de ses rouges à lèvres.

Cette publicité montre une femme, assise dans un fauteuil de cuir, vêtue d’une veste de couleur foncée, totalement ouverte sur son corps nu.

2. Les arguments échangés

– Le plaignant considère que cette publicité utilise la femme comme un objet de désir sexuel,  en lui faisant prendre un attitude lascive voire provocante, sans élégance, qui détériore l’image de la femme.

– L’annonceur, détenteur de la marque de rouge à lèvres, a été informée de la plainte par courrier recommandé avec avis de réception du 11 décembre 2015, dont copie lui a été transmise, et des dispositions dont la violation est invoquée. Il a été également informé que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du Jury.

La société fait valoir que la marque est particulièrement soucieuse du respect des règles déontologiques applicables en matière de publicité et plus généralement du cadre légal en vigueur, et a à cœur de communiquer de manière responsable sur ses produits.

Elle indique que le visuel visé par cette plainte a été soumis à l’examen de l’ARPP pour avis avant diffusion, afin d’en vérifier la conformité aux dispositions déontologiques et juridiques en vigueur, et que l’ARPP a estimé que ce visuel était acceptable au regard de la recommandation « Image de la personne humaine ».

Elle ajoute que cette campagne d’affichage mise en œuvre pour les besoins de la promotion du produit ne cherchait aucunement, que ce soit de manière implicite ou explicite, à exploiter la femme ou l’image de la femme d’une façon susceptible d’être considérée comme dégradante, ni à porter atteinte, de quelque manière que ce soit, à sa dignité, ou à provoquer un quelconque sentiment de malaise.

Ce visuel n’est assorti d’aucun texte ou qualificatif présentant des connotations dévalorisantes, ou évocateur de thèmes sexistes et/ou à caractère sexuel.

L’annonceur affirme avoir voulu traduire l’idée que le rouge à lèvres suffit à habiller à la femme. Par ailleurs, le mannequin est malgré tout vêtu d’une veste de smoking cachant sa poitrine. En conséquence, la nudité telle qu’utilisée dans cette publicité ne saurait être considérée comme avilissante ou aliénante.

L’annonceur précise que la campagne de communication développée autour de ce produit cessera début 2016, tant en presse qu’en points de vente, ledit visuel ne subsistant au-delà des fêtes de fin d’année que sur les meubles de maquillage (de surcroît de manière réduite) jusqu’en février 2016.

– L’ARPP a été sollicitée en janvier 2015, par l’annonceur, membre de l’ARPP, au sujet de ce visuel, dans le cadre de la procédure de conseil préalable.

Elle explique qu’elle est de façon générale particulièrement vigilante quant à l’exploitation de la personne humaine en publicité et de l’image de la femme en particulier. Et qu’elle veille à ce que les messages publicitaires ne véhiculent pas de visuels ou d’allégations portant atteinte à la dignité de la femme.

L’ARPP indique qu’en l’espèce, il est apparu que bien que le projet transmis utilise la photographie d’un mannequin dont la veste de smoking  ouverte laisse apparaître la peau nue de la femme sans autre vêtement, il utilise un traitement visuel esthétisant, sans qu’aucune référence ou texte n’induise une présentation dégradante de la femme.

Le texte qui accompagne cette image – « …. that dresses me » – peut être traduit par « Le Rouge … qui m’habille », renvoie à la tenue vestimentaire épurée de la jeune femme.

De plus, s’agissant de la promotion d’une marque de luxe, cette image ne comporte aucun contenu pornographique et elle représente la nudité sans exagération ni provocation. Elle apparaît conforme aux codes habituellement employés dans la communication publicitaire de l’univers du luxe et des produits de beauté en général qui font la part à la beauté et la séduction.

Pour ces raisons, l’ARPP a estimé que ce visuel était acceptable au regard des dispositions déontologiques en vigueur.

3. L’analyse du Jury

 Le Jury rappelle que la Recommandation « Image de la personne humaine » de l’ARPP dispose en son point 2 que :

 « 2.1 La publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet.».

 Le Jury relève que la publicité mise en cause présente l’image d’une femme vêtue uniquement d’une veste de smoking qui, bien qu’elle cache sa poitrine, laisse voir qu’elle est entièrement nue. L’attitude lascive dans laquelle elle a été photographiée, si elle souligne l’univers de séduction dans lequel se situe le produit pour lequel l’annonce a été réalisée, relève d’un traitement de la femme comme pur objet sexuel, qui n’apparaît pas en conformité avec la recommandation citée ci-dessus. Il importe peu à cet égard que le produit présenté soit un produit entrant dans la catégorie du luxe et des produits de beauté.

Le Jury est donc d’avis que la publicité en cause méconnaît le point 2.1 de la Recommandation précitée.

Avis adopté le vendredi 8 janvier 2016 par Mme Michel-Amsellem, Présidente, Mme Sophie-Justine Lieber, Vice-Présidente, Mme Moggio et MM. Benhaïm et Leers.