Avis JDP n°317/14 – TRAITEMENT DE L’EAU – Plainte partiellement fondée

Avis publié le 26 juin 2014
Plainte partiellement fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations et à prendre part à la séance ;

– après avoir entendu les représentants de l’Union Française des professionnels du traitement de l’eau,

– et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1.La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 18 mars 2014, d’une plainte de l’Union Française des professionnels du traitement de l’eau, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée sur internet et par lettre circulaire, par une société pour promouvoir ses dispositifs d’adoucissement d’eau.

La publicité en cause se présente dans les deux cas sous la forme d’une offre de reprise, qui propose notamment le remplacement à titre gratuit, sous conditions, des adoucisseurs d’eau âgés de plus de cinq ans en expliquant que ces appareils « (…) ne répondent pas aux attentes sur la qualité d’eau actuelles… ».

2.Les arguments échangés

L’Union Française des professionnels du traitement de l’eau (l’association UAE) considère que cette publicité ne respecte pas les règles juridiques et déontologiques en vigueur.

Elle explique qu’elle est un syndicat professionnel qui regroupe « la quasi-totalité des personnes physiques ou morales spécialisées dans l’analyse, l’étude, la conception, la construction, la vente, l’installation, l’entretien d’équipements et de produits de traitement de l’eau et plus généralement l’ensemble des acteurs des métiers de traitement de l’eau dans le bâtiment ». Elle indique qu’en application de l’article 2 de ses statuts, elle a pour objet, notamment, de représenter ses membres auprès des tiers et institutions, de défendre les intérêts de la profession et de ses membres et d’engager ceux-ci au respect effectif d’un code de déontologie visant à faire respecter les chartes d’engagement de la Chambre syndicale et les règles de l’art de leur spécialité.

Elle précise avoir été alertée, dans le cours de l’année 2013, par plusieurs de ses adhérents ainsi que des consommateurs au sujet de l’annonceur en cause, qui diffuse sur son site internet une offre de reprise des adoucisseurs d’eau âgés de plus de cinq ans au sujet desquels elle indique qu’ils « ne répond[ent] pas aux attentes sur la qualité d’eau actuelles » et que leur « consommation en eau et en sel est très élevée par rapport aux nouveaux appareils ». La société s’engage à reprendre tout ancien adoucisseur de plus de 5 ans et le remplacer par un neuf « tout ça gratuitement » cette offre étant « limitée ».

L’UAE met également en cause un courrier publicitaire dans lequel la société fait mention de son offre en mentionnant « le seul engagement (du client) est de confier à X l’entretien du nouveau matériel qui vous sera mis en service et offert ».

L’UAE considère que cette campagne ne respecte pas les articles L. 120-1 et L. 121-1 du code de la consommation concernant les pratiques déloyales ni les dispositions déontologiques de la Recommandation « Traitement de l’eau» de l’ARPP, en particulier sur l’absence de mention sur le procédé de filtrage utilisé et le résultat justifiable et sur l’interdiction de toute déclaration ou présentation visuelle alarmiste ou toute exploitation du sentiment de peur.

Enfin, l’UAE considère que la publicité en cause ne respecte pas les dispositions du code consolidé de la Chambre de Commerce Internationale sur les pratiques de publicité et de communication commerciale, car les arguments invoqués par la société exploitent le manque d’expérience des consommateurs et cherchent à créer un sentiment de peur sur le plan sanitaire. Sur ce point la plaignante indique que l’annonceur :

N’apparaît pas en mesure de justifier son argumentaire, contrairement à l’article 8 du code,

Abuse de données de recherches inexistantes et ce, contrairement à son article 6,

Procède à une comparaison de nature à induire en erreur les consommateurs propriétaires d’adoucisseurs âgés de plus de cinq ans, en violation de son article 11.

La société annonceur explique qu’elle est prête à corriger et modifier ses informations publicitaires si elles ne sont pas conformes aux exigences de la réglementation. Elle précise que sa page internet a été retirée depuis plusieurs semaines.

Concernant l’indication selon laquelle l’offre est « limitée et soumise à conditions », elle explique que lorsque une campagne commerciale est démarrée sur un secteur géographique précis, « il y a une condition limitée dans le temps et sur ce secteur, car elle travaille avec son call center et ses commerciaux, sur une base de données regroupant des propriétaires de matériels de traitement de l’eau, qui est non épuisable et mesurée ».  De ce fait, la société explique ne pouvoir proposer son offre qu’aux personnes rencontrées lors des passages sur les secteurs travaillés, c’est à dire dans une durée relativement courte et maîtrisée. Afin d’éviter toutes polémiques, elle propose de retirer cette annotation.

Pour ce qui concerne le terme « Conditions », l’annonceur expose que le matériel n’est offert que sous la condition de la conclusion d’un contrat d’entretien exclusif avec la société, ce qui correspond aux offres commerciales les plus habituelles, ceci étant précisé dans le courrier envoyé à chaque personne contactée et expliqué à l’occasion des appels téléphoniques.

S’agissant du terme « Pure », l’annonceur fait remarquer que la grande majorité des acteurs de la profession du traitement de l’eau, fabricants, grossistes, revendeurs, appellent leurs systèmes sous et sur évier traitant l’eau à usage de consommation humaine, tels que les osmoseurs, les fontaines et autres, « purificateur » ce qui revient à dire indirectement que l’eau est pure.

Elle fait valoir que son adoucisseur d’eau est un matériel fabriqué en France ce dont elle estime pouvoir se prévaloir.

La société annonceur précise que l’étude de 2012, à laquelle elle se réfère dans ses courriers, est un sondage réalisé par ses soins et par l’intermédiaire de son service de téléprospection auprès de 200 propriétaires de matériels de traitement de l’eau sur le grand quart Est de la France, dont il est ressorti que 134 d’entre eux affirmaient que leur appareil n’était plus entretenu et ceci pour certains depuis de nombreuses années, ou entretenu une année sur 3 voire 4, ou par l’utilisateur lui-même, en dépit des compétences techniques nécessaires.

Elle précise avoir modifié son courrier de prospection fin juin 2013, à la suite du courrier de de l’UAE  du 14 Juin 2013, afin qu’il n’y ait pas de doute quant à sa bonne foi, mais elle n’a pas transmis la copie de sa nouvelle lettre.

3.L’analyse du Jury

Le Jury rappelle qu’il est une instance déontologique dont la mission est de vérifier le respect des dispositions des règles déontologiques que les professionnels de la publicité se sont fixées. Son appréciation se limite à ce domaine et ne saurait se substituer à celle d’un tribunal, seul compétent pour se prononcer sur l’application de la loi. Dans ces conditions, il ne lui appartient pas d’examiner les arguments de la plainte fondés sur un manquement aux dispositions des articles L. 120-1 et suivants et L. 121-1 du code de la consommation, lesquels ne sont pas repris dans des dispositions déontologiques.

La Recommandation « Traitement de l’eau» de l’ARPP dispose que :

Au point 1- Vocabulaire

1.3 «  toute utilisation du terme « filtre » et/ou ses dérivés doit mentionner le procédé utilisé et le résultat justifiable »

Par ailleurs, l’article 3 du code du Code consolidé de la Chambre de Commerce Internationale sur les pratiques de publicité et de communication commerciale relatif au principe de loyauté énonce que : « La communication commerciale doit être conçue de manière à ne pas abuser de la confiance des consommateurs ou à ne pas exploiter le manque d’expérience ou de connaissance des consommateurs. / Tout facteur pertinent susceptible d’influencer la décision des consommateurs doit être signalé d’une manière et à un moment qui permettent aux consommateurs de le prendre en considération.».

En vertu de l’article 5 relatif au principe de véracité : « La communication commerciale doit être véridique et ne peut être trompeuse. La communication commerciale ne doit contenir aucune affirmation, aucune assertion ou aucun traitement audio ou visuel qui soit de nature, directement ou indirectement, par voie d’omissions, d’ambiguïtés ou d’exagérations, à induire en erreur le consommateur… ».

S’agissant de la page internet

La copie de la page du site internet transmise par l’association UAE est partagée sur sa largeur en deux parties. La première comporte la photo d’un adoucisseur d’eau entouré d’un ruban et comporte les phrases suivantes : « Votre adoucisseur a plus de 5 ans ? » « On vous le remplace par un neuf gratuitement », ainsi que les coordonnées de l’annonceur.

Sur la partie droite de la page figure le texte suivant : «  Votre adoucisseur a plus de cinq ans ? Il fait donc partie des anciennes générations d’adoucisseurs. Il ne répond pas aux attentes sur la qualité d’eau actuelles, de plus, sa consommation en eau et en sel est très élevée par rapport aux nouveaux appareils. Bonne nouvelle ! X peut reprendre votre ancien adoucisseur et le remplacer* par un neuf, tout ça gratuitement !

Nos appareils de dernière génération peuvent également vous permettre de filtrer les indésirables contenus dans l’eau du robinet tels que le chlore, les pesticides, les virus, bactéries, métaux lourds … et vous permettre ainsi de bénéficier d’une eau de qualité irréprochable directement (…) ». L’astérisque renvoie à des précisions techniques suivies de la mention « offre limitée et soumise à conditions ».

Le Jury observe que ce texte utilise le verbe « filtrer » sans mentionner le procédé utilisé et le résultat justifiable. Il n’est en cela pas conforme à l’article 1.3 de la Recommandation déontologique « Traitement de l’eau » précitée.

Par ailleurs la phrase « Votre adoucisseur a plus de cinq ans ? Il fait donc partie des anciennes générations d’adoucisseurs. Il ne répond pas aux attentes sur la qualité d’eau actuelles, de plus, sa consommation en eau et en sel est très élevée par rapport aux nouveaux appareils » induit l’idée qu’un adoucisseur qui serait âgé de plus de cinq ans serait atteint d’obsolescence et qu’il ne correspondrait pas aux exigences que de nouveaux modèles pourraient satisfaire. Or la société n’apporte aucun élément au soutien de cette allégation publicitaire permettant au consommateur d’en vérifier l’exactitude.

Il en va de même de l’autre phrase du texte selon laquelle les appareils que la société se propose d’installer gratuitement, permettent de « filtrer » l’eau et de la débarrasser du chlore, des pesticides, des virus, bactéries, et des métaux lourds.

Dans ces conditions, la présentation de cette page du site internet soumis au Jury contient des ambiguïtés qui pourraient induire en erreur des consommateurs. Elle méconnaît donc l’article 5 du code de la Chambre de commerce internationale.

En revanche, il n’apparaît pas, contrairement à ce que soutient l’UAE, que l’association des deux phrases ci-dessus relevées induise l’idée que les adoucisseurs de plus de cinq ans pourraient ne pas être conformes aux attentes sanitaires.

Le Jury observe par ailleurs que la société a indiqué dans ses observations écrites que cette page avait été retirée.

S’agissant de la lettre circulaire

Le Jury observe que cette lettre débute par l’affirmation selon laquelle « Une étude française réalisée en 2012 démontre que 67 % des appareils de traitement d’eau en service présentent un risque de pollution de l’eau de consommation ». Le paragraphe suivant indique « En effet, la plupart de ces installations pour certaines vieillissantes, ont montré des risques importants de pannes, une forte consommation en eau et en sel (…), ainsi qu’une mauvaise qualité de l’eau distribuée en sortie d’appareil ». Puis « Ce rapport met en évidence l’incapacité de ces installations à fournir une eau correspondant aux normes en vigueur sur la qualité de l’eau de consommation ».

Il ressort des précisions apportées par l’annonceur que l’étude de 2012 ainsi citée, et pour laquelle elle ne renvoie à aucune référence permettant de la consulter et d’en vérifier les affirmations, est en réalité un sondage qu’elle a réalisé elle-même et qui ne présente donc aucun caractère objectif ni aucune garantie quant au bien-fondé des conclusions qui en sont déduites. Ce procédé n’est pas conforme aux exigences déontologiques de l’article 3 du code de la Chambre de commerce internationale. De surcroît, les résultats de ce sondage attestent du manque d’entretien des dispositifs d’adduction d’eau utilisés par les personnes interrogées, et non de leur obsolescence technologique.

Par ailleurs, les termes de cette lettre affirment « l’incapacité des installations à fournir une eau correspondant aux normes en vigueur sur la qualité de l’eau de consommation » sans fournir aucun détail sur ces normes, ni aucune référence permettant d’en prendre connaissance induisant ainsi une ambiguïté qui pourrait induire en erreur des consommateurs.  Elle n’est donc pas conforme aux dispositions de l’article 5 du code de la Chambre de commerce internationale.

En revanche, le Jury observe que cette lettre n’utilise pas le terme « filtre » ni d’ailleurs aucun des termes pour lesquels la Recommandation « Traitement de l’eau » exige, dans ses dispositions 1/1 et 1/2 précitées, une particulière vigilance.

Dans ces conditions, le Jury est d’avis que :

La publicité en cause sur internet n’est pas conforme aux dispositions de l’article 1/3 de la Recommandation de l’ARPP « Traitement de l’eau » et de l’article 5 du code de la Chambre de commerce Internationale sur les pratiques de publicité et de communication commerciale,

La publicité diffusée par cette société par lettre circulaire n’est pas conforme aux dispositions des articles 3 et 5 du code de la Chambre de commerce Internationale sur les pratiques de publicité et de communication commerciale ;

Le Jury rappelle que l’annonceur a indiqué avoir retiré la page concernée par la plainte de son site internet ;

Avis adopté le 16 mai 2014, par Mme Michel-Amsellem, Présidente, M. Lallet, Vice-Président, Mmes Drecq et Moggio, et MM. Benhaïm, Carlo, Lacan et Leers.