AVIS JDP n° 398/16 – BOUCHERIE – Plaintes fondées

Avis publié le 01 mars 2016
Plaintes fondées

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu les représentantes des associations plaignantes, ainsi que de la société d’affichage, le représentant de la société annonceur, avisé, ayant fait connaître qu’il ne pouvait être présent à la séance,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, entre le 15 et 21 décembre 2015, de plusieurs plaintes émanant, d’une part, d’associations de défense de l’image de la femme, d’autre part d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée, en affichage, pour une enseigne de boucherie.

Cette publicité montre  une femme portant une robe pailletée, se tenant, une jambe nue relevée, derrière une table de fêtes dressée avec plats de viande, chandeliers et vaisselle. Derrière elle sont suspendues trois pièces de viande.

Le texte publicitaire accompagnant cette image est « Pour les fêtes, offrez… des viandes d’exception! », puis figurent en dessous les coordonnées de l’enseigne.

2. Les arguments échangés

– Les plaignants considèrent que, dans ce visuel, la femme est assimilée à un quartier de viande, ce sentiment étant renforcé par les points de suspension dans l’expression « offrez… des viandes d’exception ! ».

– Le représentant de l’annonceur, qui exploite les magasins de l’enseigne, expose que les remarques figurant dans les plaintes lui apparaissent violentes et dégradantes pour la femme et pour le  métier qu’il pratique.

Il a fait la promotion de ses magasins, par l’affichage de panneaux publicitaires pendant les fêtes de Noël. Cette publicité a été réalisée par le responsable de la communication qui est une femme, après consultation d’une agence de publicité, dont l’ensemble des intervenants sont des femmes, en toute bonne foi et dans le strict respect de la personne humaine.

Il ajoute qu’en période de Noël, la société a opté pour une image festive, avec en premier plan une table joliment dressée pour l’occasion, puis en second plan, une jeune fille, habillée de paillettes, avec les épaules couvertes. Effectivement, une cuisse est visible mais elle n’est pas nue dans la mesure où elle porte des collants clairs, de couleur « peau ».

Enfin, au dernier plan, sont exposés les produits qui sont des morceaux de viande de bovins afin de promouvoir l’activité des magasins et surtout donner envie aux consommateurs de se diriger vers les enseignes. La société a simplement mis en avant ses produits carnés par une publicité dans laquelle figure une jolie jeune fille, comme peuvent le faire les grandes enseignes de vêtements.

Quant au slogan choisi, l’idée était de faire comprendre aux consommateurs que les viandes sont de très bonne qualité, et qu’il s’agit d’un met de choix. Les points de suspension marquent, selon lui, le suspens du choix entre les viandes vendues par ses magasins et celles des concurrents.

Cependant, la société regrette l’incompréhension que cette publicité a suscitée chez certaines personnes.

– La société d’affichage indique qu’il s’agit d’une campagne locale réalisée sur 65 faces, qui s’est déroulée du 2 au 16 décembre 2015. Depuis, elle a été retirée et remplacée par d’autres visuels pour d’autres annonceurs.

La société d’affichage fait valoir que le visuel retenu par l’annonceur, une femme habillée en robe de soirée pailletée et assise devant une table dressée pour un repas de fêtes avec l’accroche « Pour les fêtes, offrez… des viandes d’exception », entend faire la promotion des viandes de la société annonceur, vendues dans ses boucheries.

Dans un contexte de fêtes de fin d’année, cette marque a souhaité communiquer par une accroche résolument marquante destinée à valoriser la qualité de son produit et son utilisation  pour figurer dans un repas de fêtes.

Selon la société d’affichage, ce visuel n’a pas le sens retenu par les plaignants, la femme n’étant pas comparée ou assimilée au produit vendu. En effet, elle est habillée d’une robe de soirée pailletée et assise devant une table dressée, prête à déguster un repas de fêtes composé de mets cuisinés à base de viande. La posture de la femme représentée n’est ni dégradante, ni humiliante. Elle n’est pas comparée ou assimilée au produit de l’annonceur mais juste attablée comme tout consommateur potentiel qui le serait pour un repas de fêtes. Rien dans son attitude n’est évocateur d’une représentation sexualisée, érotisée ou lascive, bien au contraire, elle témoigne d’un air déterminé, avec les deux mains à la taille, poings fermés. Le visuel n’entend pas utiliser un stéréotype ni dégrader l’image de la femme ou faire de la femme un objet, il vise simplement à inciter tout à chacun à composer le menu des repas de fêtes avec des mets cuisinés à base de viande de grande qualité.

Ce visuel tend donc à créer une atmosphère festive et à mettre en avant la qualité de la viande des boucheries de l’annonceur, qui provient principalement d’élevages français.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image de la personne humaine » de l’ARPP dispose en son point 2 que :

« 2.1 La publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet.».

Le Jury relève que la publicité en cause, qui met en situation, sous le slogan « Pour les fêtes, offrez… des viandes d’exception! », une jeune femme en robe de soirée derrière laquelle sont suspendues trois grandes pièces de viande crue, et assise devant une table avec un couvert et deux plats de viande, suggère, explicitement par la mise en image choisie, et implicitement par les points de suspension du slogan, l’idée que la femme serait une « viande d’exception ». Cette mise en situation présente ainsi la femme comme un objet, en l’occurrence un produit consommable, et alimente un imaginaire sexiste.

Il est sans effet sur ce point que la jeune femme ait les épaules couvertes ou ne se tienne pas dans une position qui pourrait être considérée comme aguichante ou lascive.

Le Jury est donc d’avis que la publicité en cause méconnaît le point 2.1 de la Recommandation précitée.

Avis adopté le vendredi 5 février 2016 par Mme Michel-Amsellem, Présidente, Mme Sophie-Justine Lieber, Vice-Présidente, Mmes Moggio et Drecq, MM. Benhaïm, Lacan et Leers.