Avis JDP n°365/15 – EVENEMENTIEL – Plainte fondée

Avis publié le 11 mars 2015
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire, 

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et, après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 12 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 10 février 2015, d’une plainte émanant du Collectif Midi-Pyrénées des Droits des femmes, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée par une association, sous forme d’affichette, pour promouvoir l’organisation d’une soirée professionnelle.

Cette publicité montre une femme portant un justaucorps blanc moulant son corps et décolleté, ainsi qu’un bas rouge et un gant rouge tous deux en latex, et une calotte blanche sur la tête. Elle se tient à cheval sur une seringue géante emplie d’un liquide rouge et dont le bout de l’aiguille laisse apparaître une goutte rouge.

Cette image est accompagnée de diverses informations relatives à l’organisation de l’évènement.

2. Les arguments échangés

Le Collectif Midi-Pyrénées des Droits des femmes considère que cette publicité ne respecte pas les dispositions de la Recommandation « Image de la Personne Humaine » de l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité à trois égards.

Il indique en premier lieu que la tenue sexy de l’infirmière et sa posture à califourchon sur un instrument cylindrique de pénétration sont choquantes et méconnaissent les exigences de dignité et de décence posées par l’article 1er de la Recommandation.

Il ajoute, en deuxième lieu, que la femme et, en particulier, l’infirmière, est réduite par cette publicité à la fonction d’objet, en méconnaissance de l’article 2 de la Recommandation.

En troisième et dernier lieu, le plaignant estime que ce visuel cautionne l’idée de la soumission de l’infirmière par rapport au médecin ou à toute personne qu’elle accompagne, en tant qu’objet sexuel à la disposition du médecin, voire d’autres personnes. Il peut ainsi valoriser voire nourrir un sentiment d’intolérance vis-à-vis des infirmières qui ne se soumettraient pas à la volonté d’autrui de les avoir à leur disposition sexuelle. Plus largement, l’affiche suggère une idée de violence morale en mettant la pression sur les femmes pour qu’elles soient sexy, et soumises sexuellement. Elle crée une ambiance cautionnant le harcèlement sexuel.

L’association a été informée par courrier recommandé avec avis de réception du 11 février 2015 de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée. Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du Jury.

L’association fait valoir que l’affiche en cause n’a été épinglée que dans les seules salles de repos des personnels du SAMU 31 et des urgences. Ce sont donc des lieux privés ouverts aux seuls personnels soignants. En aucun cas, celle-ci n’a pu être diffusée dans un magazine, même local, ni aucune voie ou lieu public.

Cette soirée n’avait comme seul but que de rassembler lors d’un moment de convivialité des équipes dont le rythme et la charge de travail étaient très soutenus en ce début d’année 2015. La cohésion d’une équipe soignante est particulièrement importante et c’est pourquoi l’association essaie de réunir ces personnels de façon régulière au travers de diverses activités. A aucun moment par le passé ses affiches n’ont été prises en défaut.

A posteriori, l’association comprend que cette affiche ait pu choquer certaines personnes. C’est une illustration « vintage » années 70 / 80 qui était recherchée puisque tel était le thème de la soirée. A aucun moment, l’association n’a pensé que la représentation de cette « infirmière » et de la femme en général pouvait revêtir une connotation sexiste voire pornographique.

Elle exprime ses regrets et affirme qu’il n’y avait aucune volonté de choquer qui que ce soit. Il s’agit plus d’une maladresse que d’une volonté délibérée de rabaisser la femme, qui sont d’ailleurs fort nombreuses dans les services d’urgences et du SAMU. Un courrier a d’ailleurs été adressé au syndicat hospitalier SUD pour s’en excuser. L’association assure qu’elle sera plus vigilante lors des prochains affichages. 

3. L’analyse du Jury 

Le Jury indique à titre liminaire, en réponse à l’argumentation de l’association, que l’ampleur de la diffusion d’une publicité est par elle-même sans incidence sur le respect des règles déontologiques qui s’impose à tout annonceur. 

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image de la personne humaine » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) dispose :

Point 1 – Dignité, décence

1.1 « La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence. »

1.2 « Lorsque la publicité utilise la nudité, il convient de veiller à ce que sa représentation ne puisse être considérée comme avilissante et aliénante. »

1.3 «  D’une façon générale, toute représentation dégradante ou humiliante de la personne humaine, explicite ou implicite, est exclue, notamment au travers de qualificatifs, d’attitudes, de postures, de gestes, de sons, etc., attentatoires à la dignité humaine. 

Point 2 – Stéréotypes sexuels, sociaux et raciaux

2.1 « La publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet.

2.2 « La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son appartenance à un groupe social, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société. »

2.3 « L’expression de stéréotypes, évoquant les caractères censés être représentatifs d’un groupe social, ethnique, etc., doit tout particulièrement respecter les principes développés dans la présente Recommandation. »

2.4 « La publicité ne peut valoriser, même indirectement, des sentiments ou des comportements d’exclusion, d’intolérance ou de racisme.

Point 3 – Soumission, dépendance, violence

3.1 « La publicité doit éviter d’induire une idée de soumission ou de dépendance dévalorisant la personne humaine et en particulier les femmes. »

3.2 « Toute présentation complaisante d’une situation de domination ou d’exploitation d’une personne par une autre est exclue.

3.3 « La publicité doit éviter toute scène de violence, directe ou suggérée, et ne pas inciter à la violence, que celle-ci soit morale ou physique. La notion de violence recouvre au minimum l’ensemble des actes illégaux, illicites et répréhensibles visés par la législation en vigueur. La violence directe se traduit par la représentation de l’acte de violence proprement dit ; la

violence suggérée s’entend par une ambiance, un contexte voire par le résultat de l’acte de violence ; la violence morale comprend notamment les comportements de domination, le harcèlement (moral et sexuel). »

3.4 « La publicité ne doit, en aucun cas, par ses messages, ses déclarations ou sa présentation, banaliser la violence. » 

Le Jury relève que la publicité mise en cause représente, sous forme de dessin évoquant les publicités des années 1970, un modèle féminin portant une tenue légère et sexy empruntant certaines caractéristiques de celle de l’infirmière (blouse et calotte blanches), dans une position suggestive. Si ce visuel vise à promouvoir une soirée festive organisée par une association liée au SAMU de Haute-Garonne, le Jury considère que cet objet ne justifie pas une telle représentation du corps de la femme ni de l’image de l’infirmière, qui reproduit et nourrit des stéréotypes encore ancrés dans beaucoup d’esprits quant à cette profession. La femme et, en particulier, l’infirmière, y apparaît ainsi réduite à la fonction d’objet promotionnel.  Le Jury est donc d’avis que la publicité en cause méconnaît les points 2/1 à 2/3 de la Recommandation précitée.

Il estime en revanche que, eu égard à la présentation générale de l’affiche, qui recourt manifestement à un procédé humoristique, à la distance qu’introduit le « dessin de pin-up », à la différence de photographies, et à la représentation très mesurée de la nudité, qui est limitée pour l’essentiel au décolleté de la femme et au haut de sa cuisse droite, cette publicité ne peut être regardée comme portant atteinte à la décence ou à la dignité humaine. En outre, la posture et le regard du modèle dessiné, qui semble « dompter » une seringue, ne suggère aucune situation de soumission des femmes et, parmi elles, des infirmières, ni de domination, d’exploitation ou de violence morale exercées par des tiers sur ces dernières. Par suite, le Jury est d’avis que cette publicité ne méconnaît pas les dispositions des points 1 et 3 de la même Recommandation.

Le Jury prend note des regrets exprimés par l’association et de sa volonté de faire preuve de vigilance dans la diffusion de nouvelles publicités à l’avenir.

Le présent avis sera publié sur le site internet du Jury de Déontologie Publicitaire.

Avis adopté le vendredi 6 mars 2015 par M. Alexandre Lallet, Vice-Président, Mmes Drecq et Moggio et MM. Depincé et Leers.