Avis JDP n°341/14 – DISTRIBUTION PRESSE – Plainte fondée

Avis publié le 30 octobre 2014
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations et à prendre part à la séance,

– après avoir entendu la représentante de la société annonceur,

– et, après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1.La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi le 30 juillet 2014, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée en presse.

Cette publicité montre un couple dans un décor de cuisine. La femme s’apprête à frapper de dos l’homme avec un objet non identifié. Ce dernier, penché en avant, bouche ouverte, paraît souffrir de la situation.

Cette image est accompagnée du texte « Vous n’oublierez plus son magazine préféré ! ».

2.Les arguments échangés

Le plaignant estime que cette publicité banalise la violence conjugale voire fait son apologie, alors que ce phénomène tue.

La société annonceur a été informée par courrier recommandé avec avis de réception du 15 septembre 2014 de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle fait valoir que le but de la campagne est de promouvoir auprès du public une application téléphonique, qui permet de mieux faire connaître l’offre de presse et de favoriser les ventes de titres de presse au numéro chez les diffuseurs. Aussi a-t-elle pris l’attache d’éditeurs pour leur demander de lui octroyer gratuitement un espace publicitaire dans leurs titres afin de toucher directement les utilisateurs de l’application. C’est dans ce cadre qu’un groupe d’édition s’est associé à sa démarche et que celui-ci a diffusé cette campagne dans un de ses titres, à titre gratuit.

L’annonceur ajoute que l’image en cause fait partie de sept visuels retenus par l’agence de publicité et qu’il se l’est procurée dans une banque d’images libres de droits. Le ton de l’ensemble de la campagne est délibérément celui de l’humour et d’un certain décalage.

L’annonceur regrette néanmoins l’interprétation qui a pu être faite de cette publicité, son intention n’étant pas de faire l’apologie de la violence conjugale, qu’elle condamne très fermement. Elle indique qu’afin d’éviter toute nouvelle réaction négative sur ce visuel, elle a d’ores et déjà retiré cette image de sa campagne sur les sites internet permettant aux éditeurs qui le souhaitent de la diffuser.

La société de presse estime que la plainte procède d’une interprétation tronquée et excessive de la publicité. Celle-ci se borne à mettre en évidence les avantages de l’application par contraste avec la déception d’une femme dont le partenaire aurait oublié son magazine préféré. Elle ne porte pas atteinte à la dignité humaine, qui est au cœur des préoccupations de la société.

3.L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image de la personne humaine » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité dispose que : « 3/3 – La publicité doit éviter toute scène de violence, directe ou suggérée, et ne pas inciter à la violence, que celle-ci soit morale ou physique. / (…) La violence directe se traduit par la représentation de l’acte de violence proprement dit ; la violence suggérée s’entend par une ambiance, un contexte voire par le résultat de l’acte de violence (…) » et que : « 3/4 – La publicité ne doit, en aucun cas, par ses messages, ses déclarations ou sa présentation, banaliser la violence ».

Le Jury relève que la publicité mise en cause représente un couple dans lequel l’homme, qui a oublié d’acheter le magazine préféré de sa compagne, est physiquement sanctionné par cette dernière, visiblement entrée dans une violente colère. Elle représente ainsi une scène de violence directe.

Si le Jury comprend l’intention humoristique qui a animé l’annonceur, il observe que rien dans cette publicité ne vient l’accréditer et, ainsi, introduire un élément de distanciation ou d’irréalisme permettant de relativiser l’utilisation de la violence. Au contraire, tant le visage et la geste de la femme et l’indétermination de l’objet avec lequel elle s’apprête à frapper l’homme de toutes ses forces, que l’expression de ce dernier, qui semble soumis et en situation de souffrance, conduisent le public à privilégier une analyse au premier degré. En outre, la raison affichée de cet accès de violence conjugale, qui apparaît relativement futile, concourt à une forme de banalisation de celle-ci.

Dans ces conditions, le Jury est d’avis que cette publicité méconnaît les dispositions précitées. Il prend note que celle-ci n’est plus diffusée.

Le présent avis sera publié sur le site internet du Jury de Déontologie Publicitaire.

Avis adopté le vendredi 17 octobre 2014 par M. Lallet, Vice-Président, Mme Drecq et MM. Benhaïm, Carlo, Depincé, Lacan et Leers.