Avis JDP n°327/14 – EQUIPEMENT AUTOMOBILE – Plainte fondée

Avis publié le 28 juillet 2014
Plainte fondée                           

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations et à prendre part à la séance,

– après avoir entendu le représentant du Comité des Constructeurs Français d’Automobiles, qui s’est seul présenté le jour de la séance ;

– et, après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1.La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi d’une plainte du Comité des Constructeurs Français d’Automobiles, en date du 26 mai 2014, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité en faveur d’une solution d’équipement automobile, diffusée en presse.

Cette publicité se présente dans un pavé qui occupe un quart de page et qui, sous l’enseigne de la société, annonce : « Economisez jusqu’à 20 % de carburant», « gagnez jusqu’à 100 CV et 40% de couple », puis offre la « suppression du filtre à particules ».

2.Les arguments échangés

Le Comité des Constructeurs Français d’Automobiles estime que cette publicité fait la promotion d’une opération qui favorise la pollution de l’air.

Il explique que le retrait du système qui filtre les particules d’un moteur diesel, sous prétexte d’améliorer ses performances (ce qui n’est pas vérifié), conduit à ce que le moteur rejette toutes les particules PM10 et PM2,5 qui constituent des polluants combattus par l’industrie automobile dans les moteurs diesels.

L’association plaignante précise que les acteurs de l’industrie automobile ont investi des centaines de millions d’euros dans ces systèmes de dépollution efficaces et reconnus par les normes européennes et que la pratique du “défapage” nuit à la fois à la qualité de l’air, à la santé des populations et à l’image des constructeurs.

L’annonceur a adressé une lettre datée du 27 juin 2014, par laquelle elle fait valoir un certain nombre d’observations en réponse. Toutefois, le courrier par lequel le secrétariat du Jury a transmis la plainte et invité la société à présenter ses observations, avait précisé qu’elle devait accomplir cette démarche avant le 24 juin. Les observations intervenues hors délai n’ont pu en conséquence être retenues.

La société représentant le magazine dans lequel a été diffusée la publicité, fait valoir que la publicité en cause ne fait aucun lien entre la suppression du filtre à particules et l’amélioration des performances du moteur. La publicité porte, selon elle,  sur plusieurs sujets parfaitement distincts les uns des autres et qui font l’objet d’encarts séparés sur l’affiche.

Elle explique que l’annonceur propose une « reprogrammation moteur » qui permet d’économiser du carburant et de gagner de la puissance moteur. Elle informe de son opération promotionnelle « les instants camping-car » prévue du 5 mai au 13 juin. Enfin, dans un troisième bandeau publicitaire, elle propose la « suppression du filtre à particules ». Ces trois points sont clairement dissociés. Il n’y a donc pas de manquement à la loyauté des pratiques de publicité et de communication commerciale au sens du Code consolidé de la Chambre de Commerce Internationale.

S’agissant de la suppression du filtre à particules en tant que telle, le support souligne qu’à l’heure actuelle, cette suppression n’est pas interdite et n’est assortie d’aucune sanction. Le Ministère de l’Intérieur a eu l’occasion de le rappeler le 3 juin 2014 en réponse à la question d’un député.

Elle ajoute que la publicité en cause est assortie d’une réserve précisant que les interventions « sont réservées à la compétition, le véhicule n’est plus conforme après intervention ». La suppression du filtre à particules n’est pas destinée aux véhicules circulant sur le réseau routier et la voie publique mais seulement sur les circuits de compétition. Or seuls les « véhicules à moteur(…) circulant sur route », c’est-à-dire sur les voies du domaine public routier nationale », sont soumis aux dispositions du code de la route comme cela ressort des articles L.110-1 et suivants de ce code.

Le support expose au surplus que l’efficacité des filtres à particules est discutée et contestée par plusieurs études. L’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail s’est interrogée sur l’impact qu’aurait sur la santé la généralisation de ce filtre à tous les véhicules diesel. En brûlant les particules, ce filtre dégage en effet du dioxyde d’azote en grande quantité (3 à 5 fois plus qu’une voiture à l’essence). Les automobilistes se trouvent ainsi exposés à des teneurs en particules fines et dioxyde d’azote nettement supérieures aux normes fixées par l’Organisation Mondiale de la Santé. Supprimer le filtre à particules relève donc, pour certaines personnes, d’un « choix écologique destiné à améliorer la qualité de l’air, à réduire l’exposition de la population aux nanoparticules et à diminuer les risques sanitaires qui en découlent ».

La société représentant le magazine fait enfin observer que la publicité relève de la responsabilité de l’annonceur et qu’en tant que support, elle n’est en mesure d’exercer qu’un contrôle restreint qui ne peut porter que sur la publicité elle-même, non sur le service auquel elle se rapporte et les conditions dans lesquelles il est fourni en pratique.

3.L’analyse du Jury

La Recommandation « Développement durable » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) dispose, notamment, que :

« 9. Impacts éco-citoyens

La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant notamment compte de la sensibilité du corps social à un moment donné et du contexte de diffusion de la publicité.

Sans qu’il soit fait référence au concept de développement durable ou à l’une de ses composantes, une publicité doit éviter de véhiculer un message contraire aux principes communément admis du développement durable. A titre d’exemple :

a/ La publicité doit bannir toute évocation ou représentation de comportement contraire à la protection de l’environnement et à la préservation des ressources naturelles (gaspillage ou dégradation des ressources naturelles, endommagement de la biodiversité, pollution de l’air, (…) ;

b/ la publicité ne saurait inciter, directement ou indirectement, à des modes de consommation excessives ou au gaspillage d’énergies et ressources naturelles. Elle ne saurait suggérer ou cautionner des agissements manifestement inconséquents ou irresponsables (…)».

Le Jury rappelle à titre liminaire qu’en vertu de l’article 3 de son règlement intérieur, ses avis concernent uniquement le contenu des messages publicitaires diffusés, et ne portent en aucun cas sur les produits ou services concernés. Or la publicité pour le service de suppression du filtre à particules n’est pas interdite. Au demeurant, ce service lui-même n’est pas proscrit par la loi, même si l’homologation du véhicule en vue de son utilisation sur les voies ouvertes à la circulation du public est subordonnée à la présence de ce filtre. Par suite, le Jury ne peut regarder la plainte comme fondée au seul motif que la publicité litigieuse fait la promotion d’un service ayant une incidence négative sur l’environnement.

Le Jury relève toutefois que l’encart publicitaire, qui lui a été soumis par la plainte, est composé de plusieurs bandeaux occupant un quart de page et libellés de la façon suivante :

« PTS

Reprogrammation moteur

Economisez jusqu’à 20 % de carburant

Gagnez jusqu’à 100 CV et 40% de couple

Les Instants Camping Car

[photo d’un camping car] TVA offerte

 

* Diminution de la consommation

*Plus de puissance

* Plus de couple

* Meilleure souplesse de conduite

* Meilleur agrément de conduite

Suppression du filtre à particules

Dessin représentant un filtre à particules barré d’une croix

Retrouvez nos centres sur WWW.X.fr »

Cette présentation confuse induit visuellement un lien entre la suppression du filtre à particules et l’amélioration des performances du véhicule. Il résulte d’ailleurs des indications non contestées du Comité des Constructeurs Français d’Automobiles que cette suppression implique une « reprogrammation moteur », de sorte que les deux services évoqués par la publicité apparaissent intimement liés. Or le message ne renvoie à aucune indication qui permettrait de vérifier que la suppression du filtre à particules améliorerait par elle-même la puissance du véhicule ou le confort de conduite.

Si le site internet auquel renvoie l’annonce publicitaire précise que cette opération de retrait « est réservée à la compétition » et que le véhicule « n’est plus conforme après intervention », cette information ne sera délivrée qu’aux personnes qui feront la démarche de consulter le site et elle est de surcroît insuffisante à compenser ou amoindrir l’effet de valorisation du retrait du filtre à particule, qui procède du lien établi entre la proposition de ce service et la promesse de performance inscrite dans les bandeaux qui précèdent l’offre.

Quant à l’allégation du support selon laquelle la suppression du filtre à particules pourrait avoir un effet bénéfique sur l’environnement, elle n’est étayée d’aucune référence ou document. En tout état de cause, l’obligation instaurée par les pouvoirs publics conduit à douter de sa véracité.

Il résulte de ce qui précède que la publicité en cause, pour un service de suppression de filtre à particules véhicule un message contraire aux principes communément admis du développement durable et comporte une incitation directe à la mise en œuvre de comportements contraires à la protection de l’environnement par des arguments non démontrés ou étayés.

Dans ces conditions, le Jury de déontologie publicitaire est d’avis que la publicité en cause méconnaît les dispositions des points 9, alinéa 2, a et b, de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

Le présent avis sera publié sur le site internet du Jury de Déontologie Publicitaire.

Avis adopté le vendredi 4 juillet 2014 par Mme Michel-Amsellem, Présidente, M. Lallet, Vice-Président, Mmes Drecq et Moggio, et MM. Benhaïm, Carlo, Depincé, Lacan et Leers.