Avis JDP n°321/14 – LOGICIELS INFORMATIQUES – Plainte non fondée

Avis publié le 26 juin 2014
Plainte non fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations et à prendre part à la séance ;

– et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1.La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 26 mars 2014, d’une plainte d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée par voie de presse, en faveur de l’annonceur.

La publicité en cause montre plusieurs portraits d’hommes et de femmes, de couleurs de peau et d’origines ethniques différentes, accompagnés pour chacun de la mention du nom d’un pays et de celle d’un tarif horaire.

Ces photos sont surmontées de la phrase  : « Ils codent aussi bien que vous… pour moins cher ». Elles sont suivies de l’invitation « Prenez-les de vitesse. Ne codez plus, paramétrez », puis de l’explication : « X est le premier framework de création de logiciels et sites web avec 0% de code ».

2.Les arguments échangés

Le plaignant se dit choqué par cette publicité. Il précise que le titre « Ils codent aussi bien que vous… pour moins cher », incite à avoir recours à une main d’œuvre délocalisée et que la série de portraits de personnes que l’on suppose être un(e) développeur exerçant dans l’un des sept pays listés présente des stéréotypes associés à la nationalité.

Il indique qu’outre l’incitation générale au « dumping social » implicite, les rémunérations indiquées ne correspondent pas à la réalité et que la publicité est mensongère ou contient des informations de nature à induire en erreur les consommateurs.

Il estime que les représentations de personnes d’une nationalité supposée sont inappropriées et d’assez mauvais goût, à défaut d’enfreindre des règles éthiques à proprement parler.

L’annonceur a expliqué dans ses observations écrites que le principal objectif de sa communication est de frapper les esprits avec une publicité originale, destinée à un public de professionnels  de l’informatique.  Contrairement à ce que pense avoir compris le plaignant, le point fort de son produit n’est pas le développement à l’étranger par le biais de l’ « outsourcing » mais, au contraire, le maintien des projets en France.

Le titre ” Ils codent aussi bien que vous… pour moins cher ” est destiné à inciter son public à développer leurs projets en France. Il estime que si les portraits peuvent renvoyer à des  « stéréotypes », les mots et les tournures de phrases ont été maniés avec délicatesse et sans  discrimination.

La société  responsable de la publication soutient que l’annonce litigieuse ne contrevient en rien aux règles, lois et usages, ni ne cause un préjudice moral ou matériel à son lectorat ou à la société. Selon elle, cette publicité vise dans sa présentation à frapper les esprits, avec un style provocateur, mais elle paraît dans une revue destinée à un public de professionnels de l’informatique, plus particulièrement du développement de logiciels. Ce public averti est familier  des termes et concepts de l’annonce : coder, paramétrer, framework etc… Ces professionnels  connaissent le contexte de cette annonce.

L’annonce incite les professionnels à utiliser le logiciel de la société, afin de conserver leur travail en France et éviter qu’il ne parte en « offshore » dans des pays à bas coût. Il n’est pas question d’inciter à aller faire développer à l’étranger, mais au contraire d’inciter les développeurs français à réagir face à  l’ « Offshore », en adoptant la méthode que propose l’annonceur : 0% de code, donc plus besoin de recourir à des personnes qui codent !

Si, effectivement, des portraits en tête de l’annonce renvoient peut-être à des « stéréotypes » dans la mesure où on voit par exemple la photo d’une femme de type asiatique et la mention : « Chine », cette présentation apparaît anodine et en rien répréhensible.

3.L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que, selon les articles 2-3 et 2-4 de la Recommandation « Image de la Personne Humaine » de l’ARPP « L’expression de stéréotypes évoquant des caractères censés être représentatifs d’un groupe social, ethnique, etc., doit tout particulièrement respecter les principes développés dans la présente Recommandation » et  « La publicité ne peut valoriser, même indirectement, des sentiments ou des comportements d’exclusion, d’intolérance ou de racisme ». Par, ailleurs, la Recommandation « Races, religions, ethnies » dispose en son point 1 que « La publicité doit éviter avec le plus grand soin de faire appel, même indirectement, au sectarisme ou au racisme ».

Le Jury relève que la publicité mise en cause utilise les portraits de personnes jeunes en y associant une nationalité et un tarif horaire de salaire.

Si rien ne permet d’affirmer que les tarifs indiqués correspondent à ceux qui sont pratiqués dans les pays concernés, la publicité en cause ne peut être considérée comme ayant un caractère trompeur puisque son objet n’est pas informatif et qu’elle ne tend pas à valoriser ces tarifs, mais qu’elle les cite à titre d’exemple et d’ordre de grandeur, ce qui est aisément compréhensible par le lectorat composé de professionnels.

Par ailleurs, les explications de l’annonceur et du diffuseur permettent de comprendre que le but poursuivi par la publicité n’est pas d’inciter à la délocalisation d’activités, ni à l’exploitation de tarifs salariaux sous-évalués dans les pays en développement, mais au contraire d’éviter de telles pratiques.

Enfin, les personnes photographiées ont toutes un physique agréable, elles sont élégantes et souriantes. Leur présentation comme étant illustrative d’une nationalité constitue certes un stéréotype mais il n’est pas en tant que tel dévalorisant ou insultant. Ils n’incitent en aucune façon, ni directement, ni indirectement à un sentiment d’exclusion ou tout autre sentiment négatif, notamment à caractère raciste.

Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la publicité en cause respecte les dispositions des Recommandations « Image de la Personne Humaine » et « Races, religions, ethnies » de l’ARPP.

Avis adopté le 16 mai 2014, par Mme Michel-Amsellem, Présidente, M. Lallet, Vice-Président, Mmes Drecq et Moggio, et MM. Benhaïm, Carlo, Lacan et Leers.