Avis JDP n°384/15 – ACCESSOIRES MEDICAUX – Plainte fondée

Avis publié le 14 octobre 2015
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu l’association Les Chiennes de garde, représentant la plaignante, ainsi que le dirigeant de la société annonceur,
  • et, après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 2 septembre 2015, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée dans la presse, par la société annonceur, fabricant et distributeur de bas et chaussettes de contention.

Cette publicité montre une femme vêtue d’une veste, d’une jupe, de bas et de chaussures à talons, le tout de couleur foncée. Elle marche, souriante, en tenant un plateau sur lequel sont disposés deux verres. A son passage, un petit garçon pouffant de rire soulève sa jupe sous laquelle on aperçoit le haut d’une de ses cuisses.

Cette image est accompagnée du texte « Catalogue de vente », « Nouveau : X élégance. 7 tours de cheville », « Jamais chaud, Jamais froid, Juste bien. Les fibres climatiques et thermiques X », « X compression », « I feel better ».

2. Les arguments échangés

– La plaignante considère que cette publicité est choquante, déplacée et machiste, en ce qu’elle met en évidence le manque de respect de l’enfant vis-à-vis de la femme.

Elle énonce que cette image est hors sujet pour montrer des bas de contention, l’idée étant sans doute de montrer le caractère sexy des bas. Elle estime que cette publicité envoie le message que dès le plus jeune âge, un garçon a forcément envie de soulever la jupe d’une fille/femme. Selon elle, le fait que ce petit blondinet mette sa main devant sa bouche, comme s’il était gêné, indique qu’il n’est tout de même pas censé le faire. Ce geste d’un petit garçon sexualise un enfant très jeune.

Elle ajoute que cette image montre un manque de respect envers l’image de la mère puisqu’il “ose” soulever sa jupe pour voir ce qu’il y a dessous. Cela induit l’idée que, dès tout petit, l’homme en devenir a un ascendant sur la femme puisqu’il ose dévoiler son intimité en lui soulevant la jupe sans lui demander son consentement. Ceci banalise, selon elle, ce que peut devenir plus tard le harcèlement sexuel.

La plaignante indique avoir pris contact avec l’annonceur qui lui a répondu.

– La société annonceur a été informée par courrier recommandé avec avis de réception du 9 septembre 2015 de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle indique que cette communication existe depuis deux ans dans la presse magazine, qu’elle a été vue par des millions de personnes et que personne n’a jamais fait un commentaire aussi surprenant et interrogateur que celui exprimé par la plaignante.

Bien au contraire, les personnes interrogées il y a plus de deux ans, lors du lancement de cette campagne, avaient trouvé très frais cette image et surtout ne voyaient aucune perversité dans le message.

Comme il était important que l’on voit que c’est un bas et non pas un collant, la société annonceur fait valoir qu’elle a du faire apparaitre quelques cm² de peau mais pas plus car la société est médicale et il n’était pas question d’en montrer plus comme le font les fabricants de lingerie féminine par exemple.

L’annonceur a précisé, lors de la séance, que la photo critiquée est parue dans une revue professionnelle, à laquelle les enfants n’ont pas accès et il a ajouté que cette publicité a pour vocation un message de santé publique car beaucoup de femmes interrompent le port de bas de contention car elles considèrent, soit que cet accessoire manque de séduction, soit par ce qu’il n’est pas adapté aux saisons froides ou chaudes.

– Le magazine, où est parue la publicité, n’a pas présenté d’observations.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Enfant » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) dispose, en son point 2 Responsabilité sociale, que :

« La publicité doit être conçue avec un juste sens de la responsabilité sociale :

2.1 « La publicité ne doit pas présenter favorablement des actes antisociaux ou délictueux, ni inciter les enfants à commettre de tels actes.

2.2 Elle ne doit pas légitimer des comportements qui seraient contraires aux principes de citoyenneté, aux règles du savoir-vivre, d’hygiène de vie, de protection de l’environnement ou de respect des autres.

2.3 La publicité ne doit pas dévaloriser l’autorité, la responsabilité ou le jugement des parents et des éducateurs. »

Par ailleurs, la Recommandation « Image de la personne humaine » de l’ARPP dispose en son point 2 que :

« 2.1 La publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet. »

2.2. La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son appartenance à un groupe social, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société ».

Le Jury relève que la publicité mise en cause présente un petit garçon soulevant la jupe d’une jeune femme. L’enfant dont le regard est tourné vers l’objectif et non vers la femme, affiche un visage espiègle et porte sa main devant sa bouche, comme s’il riait tout en étant conscient d’avoir un geste inapproprié.

En raison de la nature du produit, il serait tout à fait admis par les règles de la déontologie publicitaire que l’annonceur montre les bas qu’elle fabrique et distribue, portés par un modèle et qu’elle en donne, grâce à ce modèle, une image séduisante, afin de convaincre les médecins et le public de l’intérêt que revêt l’usage de ce produit.

Toutefois, la mise en scène adoptée dans sa publicité montre un jeune enfant qui soulève la jupe d’une femme, geste défendu par les règles du savoir-vivre dont les éducateurs, parents ou enseignants, se voient dans l’obligation d’expliquer le caractère proscrit, mais aussi de le faire respecter. La mise en valeur de ce geste, qui résulte de sa présentation dans une publicité, a pour effet de le banaliser et de contredire les discours éducatifs tenus par les adultes aux enfants.

Par ailleurs, le fait que l’enfant soulève la jupe d’une personne adulte, présenté comme une plaisanterie ou un geste innocent, ce que soutient l’annonceur, sans que sa bonne foi soit mise en doute, a pour conséquence de dévaloriser l’autorité des adultes, mais aussi le respect qu’un garçon doit avoir envers les personnes du sexe féminin comme envers tous ses semblables.

Si le fait que cette publicité paraisse dans des revues professionnelles médicales est en principe de nature à la faire échapper au regard des enfants, il n’en demeure pas moins qu’elle puisse être vue par certains d’entre eux, d’autant que, selon les indications de l’annonceur, elle est aussi parue dans des revues de santé. De plus, la banalisation du geste de l’enfant peut avoir pour effet de banaliser et, par voie de conséquence, renforcer, le stéréotype encore en vigueur de l’infériorité des femmes à l’égard des hommes.

Le Jury est donc d’avis que la publicité en cause n’est pas conforme aux points précités de la Recommandation « enfant » et au point 2.2 de la Recommandation « Image de la personne humaine ».

Le présent avis sera publié sur le site internet du Jury de Déontologie Publicitaire.

Avis adopté le vendredi 2 octobre 2015 par Mme Michel-Amsellem, Présidente, Mme Sophie-Justine Lieber, Vice-présidente, Mmes Drecq et Moggio et MM. Benhaïm, Depincé, Lacan et Leers.