Avis JDP n°380/15 – BOISSONS ALCOOLIQUES – Plainte fondée

Avis publié le 23 septembre 2015
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations et à prendre part à la séance,
  • et, après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi le 28 juillet 2015 d’une plainte d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité de la société annonceur, pour sa marque de bière, diffusée dans un magazine.

Cette publicité montre un visage de femme en bigoudis, bouche grande ouverte et yeux écarquillés, tenant un combiné de téléphone dans la main. Au bas de l’image, sont présentés une bouteille et un verre de bière, accompagnés du texte : « Depuis que je me suis mise à la X, mon téléphone n’arrête pas de sonner. », « Prenez position sur www.X.com »

2. Les arguments échangés

– Le plaignant énonce que cette publicité est sexiste, misogyne, dégradante pour les femmes, car il n’y a « aucun rapport entre bière et téléphone, ou encore entre X et téléphone ». Il comprend qu’il s’agit « sans aucun doute d’un jeu de mots déplacé », dont le seul but est de véhiculer une image fausse, clichée et erronée de la femme et de sa sexualité.

– La société annonceur a été informée par courrier recommandé avec avis de réception du 12 août 2015  de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Par un courrier du 8 septembre 2015, elle a fait valoir que l’univers de la gamme de bières en cause est « sympathique, convivial et décalé » et que l’association de la marque avec des lapins permet de limiter l’association du nom avec des interprétations douteuses. Elle précise que son intention n’a pas été de viser les femmes, mais de « décaler le terme X » et que sa publicité a été imaginée par des femmes qui n’y ont vu aucune attaque en leur qualité de femme.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image de la personne humaine » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) dispose en son point 2/1 que : « La publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet » et en son point 1/3 que «  D’une façon générale, toute représentation dégradante ou humiliante de la personne humaine, explicite ou implicite, est exclue, notamment au travers de qualificatifs, d’attitudes, de postures, de gestes, de sons, etc., attentatoires à la dignité humaine ».

Le Jury relève que la publicité mise en cause est composée d’une part, de l’image d’une femme dont la tête est entourée de bigoudis, qui les yeux écarquillés et la bouche grande ouverte semble à la fois surprise, survoltée et stupide, d’autre part, du slogan « Depuis que je me suis mise à la X, mon téléphone n’arrête pas de sonner », enfin, dans le bas de l’image, de l’invitation « Prenez position sur (…) X.com », à côté de laquelle sont dessinées des caricatures de deux lapins et d’un verre de bière.

Il n’est pas contesté par l’annonceur que le nom de la boisson présentée renvoie à une terminologie d’ordre sexuel, dont il prétend chercher à s’éloigner par l’adjonction des deux lapins caricaturés, sans toutefois expliquer en quoi ce dessin permettrait cette mise à distance, ce qui n’apparaît, pour le moins, pas évident.

L’ensemble des éléments visuels, de texte, et le double sens du nom du produit utilisés dans la publicité en cause conduisent à donner de la femme l’image d’une call girl idiote. L’argument publicitaire repose donc sur une présentation de la femme comme un objet sexuel de surcroit stupide, et porte de ce fait atteinte à sa dignité.

En conséquence, le Jury est d’avis que la publicité pour les bières en cause contrevient aux deux dispositions précitées de la Recommandation « Image de la personne humaine » de l’ARPP.

Le présent avis sera publié sur le site internet du Jury de Déontologie Publicitaire.

Avis adopté le vendredi 11 septembre 2015 par Mme Michel-Amsellem, Présidente, Mmes Drecq et Moggio et MM. Benhaïm, Carlo, Lacan et Leers.