Avis JDP n°360/15 – EQUIPEMENT DE LA MAISON – Plainte partiellement fondée

Avis publié le 18 février 2015
Plainte partiellement fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,

– et, après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 12 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 2 janvier 2015, d’une plainte émanant du Collectif Midi-Pyrénées des Droits des femmes, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée par la société annonceur, sur son site Internet et en affichage.

Cette publicité montre, sur un fond reprenant un motif de lattes de parquet, la photo d’une femme dont les seins et le bassin sont recouverts par une bande de tissu en voile. Le modèle tient ses bras ainsi que sa tête tournée de profil, rejetés vers l’arrière. La gauche de l’écran est occupée par une photo du même modèle le visage penché vers l’arrière, les yeux clos et la bouche entrouverte.

Le texte accompagnant cette image est: « L’emprise d’essences… ».

2. Les arguments échangés

– Le Collectif Midi-Pyrénées des Droits des femmes considère que cette publicité pour les parquets, qui utilise une femme à moitié nue, est choquante. Son corps est utilisé comme support publicitaire et sert à présenter les produits à vendre. Selon l’association plaignante, le slogan “L’emprise d’essences” peut être perçu comme “l’emprise des sens” qui fait référence au film “L’empire des sens”. Elle estime que cette référence par jeu de mots contribue à donner à l’ensemble une connotation  érotique, et contribue par ces éléments à réduire la femme à la fonction d’objet. Elle indique que les articles 1.1 et 2.1 des recommandations “Image de la personne humaine” de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) ne sont ni appliqués, ni respectés.

L’association ajoute que l’usage représentatif des femmes dans la publicité participe trop souvent à la discrimination du genre féminin en renforçant des clichés et des stéréotypes qui nourrissent l’inconscient collectif et populaire vis-à-vis de la sexualité et des relations sociales avec les femmes. Elle fait valoir que ces procédés contribuent aux inégalités sociales et sociétales entre les femmes et les hommes.

– La société annonceur a été informée par courrier recommandé avec avis de réception du 13 janvier 2015 de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du Jury.

La société oppose qu’elle utilise le concept publicitaire objet de la plainte depuis 2009 et que celui-ci a été créé par une agence reconnue. Elle indique n’avoir reçu, depuis, aucune plainte et qualifie celle adressée au Jury de « très exagérée ». Elle objecte qu’aucun des médias sur lesquels sa publicité a été diffusée n’a jamais attiré son attention sur une éventuelle non-conformité.

L’annonceur fait valoir également que les visuels utilisés sont issus de banques d’images internationales, consultables par toutes et tous sans la moindre restriction, puisque chaque photo est soumise à de multiples contrôles très stricts d’ordre esthétique, qualitatif (définition de l’image) et éthique. Elle ajoute que redéfinir ou changer sa communication engendrerait des coûts supplémentaires d’études, de création et de réalisation.

Sur le contenu de la publicité, l’annonceur fait valoir que les modèles sont parfaitement décents et que le slogan repose, comme l’a relevé l’association plaignante, sur un jeu de mots.

Enfin, elle précise qu’elle est une société respectueuse, que la considération de l’humain a toute sa place en son sein et ce, depuis toujours. Elle est connue et reconnue pour la qualité de ses bois et de ses services à Toulouse et environs mais aussi plus généralement en Midi-Pyrénées. Elle s’est construite sur des fondamentaux tels que qualité, sens du service, sérieux et dévouement à satisfaire toujours plus de nombreuses clientèles et ce, depuis 1993.

La société affirme qu’en aucun cas, à aucun moment, ses actions de communication avaient pour but de choquer, de provoquer et encore moins de nuire à l’image de la femme. 

3. L’analyse du Jury 

À titre liminaire, le Jury de déontologie publicitaire rappelle qu’il a reçu de la part de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), qui regroupe les représentants des trois professions intéressées par la publicité (annonceurs, agences, diffuseurs), la mission d’apprécier si les publicités dont il est saisi par des plaignants, personnes physiques ou morales, sont ou non conformes aux Recommandations déontologiques publiées sur le site de l’ARPP, que les professionnels de la publicité se sont donnés à eux-mêmes et qu’ils se sont engagés à respecter.

Il précise que l’association plaignante n’est pas sa « cliente », comme l’indique le représentant de l’annonceur dans les observations qu’il a adressées en réponse à la plainte.

Par ailleurs, en application de l’article 11 de son règlement intérieur, publié sur son site Internet, le JDP peut être saisi par toute personne physique ou morale et il importe peu que la publicité sur laquelle porte la plainte n’ait pas fait l’objet d’autre contestation ou que les entreprises l’ayant diffusée n’aient pas alerté l’annonceur d’une éventuelle non-conformité de sa campagne, ce qui ne saurait, non plus, apporter la démonstration du respect des principes déontologiques.

S’agissant du défaut de conformité aux principes de déontologie publicitaire, le Jury rappelle que la Recommandation « Image de la personne humaine » de l’ARPP dispose en son point 2/1 que : « La publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet. ». 

Il relève que la première page du site de la société, dont est, semble- t’il, tirée l’affiche, présente l’image d’une femme dont le corps est en partie dénudé et adopte une posture qui n’est pas sans rappeler certains visuels érotiques, ce qui fait écho au slogan « L’empire des sens ». Ainsi la photo qui sert de support à la publicité, si elle est décente, n’en utilise pas moins une image érotisée de la femme, sans lien avec le produit, qui de ce fait la réduit à la fonction d’objet sexuel et ne respecte pas le principe susvisé.

En revanche, les autres visuels apparaissant sur le site n’utilisent pas le même ressort et illustrent des situations mettant en valeur les parquets présentés, sans que les femmes qui y sont montrées le soient comme objet.

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la page d’accueil du site ainsi que l’affiche qui en reprend le visuel ne sont pas conformes aux dispositions précitées de la Recommandation « Image de la personne humaine » de l’ARPP.

Le présent avis sera publié sur le site internet du Jury de Déontologie Publicitaire.

Avis adopté le vendredi 6 février 2015 par Mme Michel-Amsellem, Présidente, Mmes Drecq et Moggio et MM. Lacan et Leers.