Avis JDP n°318/14 – JEUX LOTERIES – Plaintes fondées

Avis publié le 26 juin 2014
Plaintes fondées

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations et à prendre part à la séance ;

– après avoir entendu la représentante de la société annonceur ;

– et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 24 mars 2014, de plusieurs plaintes de particuliers, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée sur Internet, en faveur de jeux de hasard.

La publicité en cause représente, sous la forme d’un dessin grossier, un buste de femme stylisé, vêtue d’un maillot de bain rouge en une pièce, à la taille fine. Elle est dotée d’une poitrine disproportionnée et qui apparaît, par un jeu de couleurs, artificiellement gonflée.

Le texte accompagnant cette image est « Gagner le gros lot est devenu 2 fois plus concret pour moi ».

2.Les arguments échangés

Les plaignants considèrent que cette publicité est machiste, sexiste et de mauvais goût et véhicule une image de la femme objet. Selon eux, elle est dégradante et humiliante pour les femmes. L’un des plaignants ajoute que la représentation d’un corps de femme sans tête est particulièrement choquante et violente.

Ils ajoutent que le slogan joue sur plusieurs tableaux. Le gros lot est bien sûr la femme, que l’on échange ou achète comme un produit. Mais il fait aussi référence, par un jeu de mots douteux, à sa poitrine (« gros lots (lo) »).

La société annonceur a été informé par courrier recommandé avec accusé de réception du 11 avril 2014 des plaintes dont copies lui ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée. Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du Jury.

Comme le prévoit cet article, la société a sollicité la tenue d’une séance et souhaité être entendue afin d’expliciter ses observations.

Elle fait valoir notamment que l’intention créative derrière l’image et le texte se voulait humoristique et décalée, jouant sur les propos que pourrait tenir un personnage de la « Pop culture ».

L’annonceur ajoute que le message n’avait pas été identifié comme choquant dans la mesure où la représentation comportait un aspect fictif et ne devait pas être pris au sérieux. Il avait notamment veillé à ce que la représentation de la personne ne soit ni humiliante ni lascive, ni réduite à une fonction d’objet.

La société a néanmoins conscience que cette publicité, qui n’a fait l’objet d’aucun examen par ses services juridiques et a été produite par un nouveau prestataire, peut choquer une partie du public. Dès réception des premières plaintes, elle a décidé de la retirer. Elle a par ailleurs demandé à l’agence responsable de se conformer scrupuleusement aux règles de déontologie publicitaire.

3.L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image de la Personne Humaine » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) dispose :

Au point 1-3 que « D’une façon générale, toute représentation dégradante ou humiliante de la personne humaine, explicite ou implicite, est exclue, notamment au travers de qualificatifs, d’attitudes, de postures (…) etc., attentatoires à la dignité humaine ».

Au point 2-1 que « La publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet ».

Et au point 2-3 que « L’expression de stéréotypes, évoquant les caractères censés être représentatifs d’un groupe social, ethnique, etc., doit tout particulièrement respecter les principes développés dans la présente Recommandation ».

Le Jury relève que la publicité mise en cause entend illustrer les conséquences possibles de gains importants aux jeux proposés par la société par la possibilité pour une gagnante de se faire implanter des prothèses mammaires. Ce choix apparaît davantage comme un prétexte pour mettre en scène et, le cas échéant, tourner en dérision une femme réduite à certains de ses attributs physiques et, partant, à la fonction d’objet voire de « lot » à gagner. La société reconnaît d’ailleurs elle-même son caractère malencontreux.

Dans ces conditions, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît les dispositions précitées de la Recommandation « Image de la Personne Humaine ». Il prend toutefois acte et se félicite de la réactivité de l’annonceur, qui a décidé de retirer la publicité dans les heures qui ont suivi son lancement, et de son engagement à faire preuve d’une plus grande vigilance dans le respect des règles déontologiques.

Avis adopté le 16 mai 2014, par M. Lallet, Vice-Président, Mme Drecq et Moggio, et MM. Benhaïm, Carlo, Lacan et Leers.