Avis JDP n°395/16 – VETEMENTS HOMME-FEMME – Plainte fondée

Avis publié le 25 janvier 2016

Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et, après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 12 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 28 novembre 2015, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’un visuel publicitaire diffusé par la société en cause, dans le catalogue de sa marque de vêtements et accessoires.

Cette publicité montre une femme, intégralement nue, tenant un sac à main de grande de taille devant son buste.

2. Les arguments échangés

– Le plaignant considère que cette publicité est sexiste et met excessivement en valeur la maigreur du modèle.

– L’annonceur a été informé par courrier recommandé avec avis de réception du 11 décembre 2015 de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée. Il a été également informé que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du Jury.

Son représentant indique que la philosophie du Groupe repose sur la mise en valeur des différences et la lutte contre toute forme de discriminations et de stéréotypes.

L’image critiquée est issue de la présentation de la collection fondée sur l’idée forte d’optimisme qui véhicule la joie de vivre et la liberté et vise une jeune femme libre qui se moque du regard des autres.

La société explique que la photographie litigieuse présente une femme adulte, joyeuse, à l’allure saine et sportive qui pose avec le produit qu’elle présente en s’amusant, loin des clichés pouvant être véhiculés par l’industrie du prêt-à-porter. Le mannequin réalise un jeu de bras et de mains si bien qu’il est possible d’imaginer qu’elle danse. L’atmosphère de la photographie est colorée et gaie.

Elle rappelle que la Recommandation « Image de la personne humaine » dispose en son point 1/2 que « Lorsque la publicité utilise la nudité, il convient de veiller à ce que sa représentation ne puisse être considérée comme avilissante et aliénante », ce dont elle déduit que la nudité est admise en publicité, sous réserve du respect de la personne humaine.

Elle rappelle aussi que l’avis relatif à la nudité rendu le 30 juin 2011 par le Conseil de l’éthique publicitaire énonce comme critère d’appréciation du respect ou non de la dignité que la publicité doit éviter toute dévalorisation de la personne humaine ainsi que toute exploitation dans sa représentation.

L’application de ces facteurs d’analyse à la photographie litigieuse démontre, selon elle, que la représentation en cause n’a pas pour objet ou pour effet de porter atteinte à la « dignité de la personne humaine ». Elle précise à ce sujet qu’en l’espèce, la nudité est suggérée dans l’esprit du consommateur mais n’est pas visible, que la femme n’est que partiellement nue puisque seulement une partie de son buste et de ses jambes sont visibles et que cette nudité partielle et suggérée ne renvoie aucunement à la sexualité, à l’érotisme ou à la séduction.

Selon l’annonceur, la femme n’est absolument pas représentée dans une posture avilissante ou aliénante. Ainsi, ni sa posture, ni le décor et la lumière utilisée ne donne à l’ensemble une ambiance érotique, pornographique ou malsaine. Aucun geste ni aucune inscription ne confère à cette représentation un caractère déplacé, obscène ou pornographique.

L’annonceur ajoute que la Recommandation « Image de la personne humaine » dispose en son point 2/1 que « La publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet ». Elle estime que tel n’est pas le cas en l’espèce, la mannequin étant représentée de la tête aux pieds dans une posture dynamique qui témoigne de ce qu’elle est maître de son attitude. Son visage est visible et fait apparaître une expression joyeuse et saine.

Sur le reproche de valorisation d’une jeune femme qui présenterait des troubles alimentaires graves, la société annonceur expose que la mannequin ne présente aucun signe d’anorexie ou de boulimie. En effet, cette femme a un corps fin qu’on devine lié à la pratique courante du sport, ses bras et ses jambes étant visiblement musclés. De même, son visage souriant met en valeur ses pommettes. Contrairement à ce qui est affirmé par la plaignante, les clavicules de la jeune femme ne sont pas plus visibles que chez la moyenne de la population.

Elle fait de plus observer qu’aucune attitude ou inscription ne laisse penser que le Groupe inciterait ses clients à l’anorexie ou à la boulimie.

La société annonceur ajoute que la photographie litigieuse s’inscrit dans le cadre d’un catalogue qui fait la publicité des collections Automne Hiver 2015 Homme, Femme, Enfant et Accessoire. Ainsi, la photographie litigieuse est accompagnée de 59 autres photos qui véhiculent une image positive de l’être humain. C’est bien le bonheur et la joie de vivre qui sont les idées fortes de cette campagne publicitaire. Contrairement à ce que soutient la plaignante, cette campagne publicitaire montre une image respectueuse et positive de la femme qui n’est absolument pas présentée comme un objet sexuel. Elle considère donc que la photographie litigieuse ne porte pas atteinte à l’image de la personne.

L’annonceur précise enfin que ce catalogue est exclusivement destiné à la clientèle des produits de sa marque puisqu’il a été uniquement distribué dans les magasins de la marque et points de vente multimarques, à partir du mois d’août 2015. Et ce catalogue n’avait jusqu’alors suscité aucune plainte ni réclamation.

La position de la plaignante lui paraît donc isolée, dans une société moderne où la liberté d’expression autorise l’usage respectueux de la nudité en publicité.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image de la personne humaine » de l’ARPP dispose en son point 2 que :

« 2.1 La publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet.».

Le Jury relève que la publicité mise en cause présente l’image d’une femme nue portant devant son buste un sac placé de façon à ne laisser apparaître que le haut de son buste, ses bras et ses jambes depuis le haut des cuisses, écartées de façon à donner à l’ensemble une figure géométrique.

Ainsi que le fait observer l’annonceur, la mise en scène présente une jeune femme joyeuse dans une position esthétisante qui n’est effectivement pas avilissante ou aliénante. Il n’en demeure pas moins que la nudité est dans le visuel en cause utilisée comme faire valoir d’un objet et qu’elle objectivise ainsi le corps de la femme. Il importe peu à cet égard que la publicité n’ait pas fait l’objet d’autres critiques que celles de la plainte.

S’agissant de l’argument relatif à la maigreur du modèle, s’il ne ressort pas avec évidence que, comme l’indique l’annonceur, cette jeune femme soit particulièrement musclée et sportive, elle apparaît cependant seulement mince sans être maigre et le visuel critiqué ne peut être considéré comme valorisant la maigreur.

Le Jury est donc d’avis que la publicité en cause méconnaît le point 2.1 de la Recommandation précitée.

Avis adopté le vendredi 8 janvier 2016 par Mme Michel-Amsellem, Présidente, Mme Sophie-Justine Lieber, Vice-Présidente, Mme Moggio et MM. Benhaïm et Leers.