Avis JDP n°385/15 – ALIMENTATION/CONFISERIE – Plainte fondée

Avis publié le 30 novembre 2015
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu les représentants de la société annonceur,
  • et, après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 21 juillet 2015, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée en affichage, en faveur de la société annonceur, pour sa marque de sucettes.

Cette publicité montre, sous la forme stylisée d’une enseigne lumineuse rose du type de celles qui marquent l’entrée de certains établissements réservés aux adultes, une sucette sur laquelle apparaissent, en surimpression, les termes « for adults only » ainsi que la silhouette d’une femme assise sur les talons, les bras relevés au-dessus de sa tête.

2. La procédure

La société annonceur a été informée par son distributeur, du courrier recommandé avec avis de réception du 11 septembre 2015 du JDP l’informant de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Cette affaire qui devait être initialement examinée lors de la séance du Jury de Déontologie Publicitaire du 2 octobre 2015 a fait l’objet d’un report à la demande de la société annonceur domiciliée aux Pays-Bas.

3. Les arguments échangés

– Le plaignant conteste la représentation de la femme dans ce visuel, laquelle apparaît selon lui, « offerte » et « tentante comme une sucette ».

– La société annonceur fait valoir que l’objectif de cette publicité était de signifier aux adultes que des nouvelles sucettes avaient été conçues spécialement pour eux, et non pour la clientèle des enfants, cible traditionnelle des produits de la marque.

Elle explique avoir utilisé, « de manière audacieuse mais subtile », des codes de communication conçus pour ne pouvoir être compris/interprétés que par des adultes, en l’occurrence ceux du divertissement réservé aux personnes majeures (l’enseigne lumineuse représentée dans la publicité ayant évidemment vocation à appeler celles des clubs, dancing, boites de nuit, cabarets, dont l’accès est réservé aux majeurs).

L’idée était d’adresser un clin d’œil à la clientèle adulte que l’annonceur souhaite développer, en jouant sur les codes.

La société annonceur expose que la silhouette féminine ne peut être perçue comme une représentation « dégradante ou humiliante » de la personne humaine, ni comme « attentatoire à la dignité humaine ».

Elle fait observer que cette silhouette est en effet stylisée et simplifiée à l’extrême, de sorte que le public ne peut y percevoir ni nudité, ni signe de sexualisation. Elle estime que la posture dans laquelle est représentée la femme est dénuée de connotation sexuelle, et que loin d’évoquer la posture d’une femme « offerte », cette posture évoque la détente, la relaxation, la sensualité et rappelle l’iconographie populaire des tahitiennes ou encore des « pin-up » répandue dans le monde entier, que le public est habitué à trouver sur de nombreux produits.

Elle ajoute que la représentation de silhouettes féminines stylisées, telle que celle utilisée, est extrêmement courante aujourd’hui de sorte que le public – quel que soit son âge – est familiarisé à ce type de visuel qui ne peut heurter sa sensibilité.

La société annonceur explique que sa publicité ne constitue pas une instrumentalisation du corps de la femme, la réduisant, de fait à la fonction d’objet, car elle ne contient aucune représentation sexualisée, érotisée, indécente, vulgaire, dégradante ou choquante et qu’elle n’opère aucun lien/aucune comparaison entre le produit de la publicité dont il est fait la promotion et la silhouette féminine qui y est représentée. Cette silhouette n’a pas non plus été utilisée comme « composante » de la représentation, également stylisée, de la sucette dont il est fait la promotion.

La société annonceur affirme que sa publicité n’a donc pas instrumentalisé le corps de la femme pour en faire un argument, ou un support de promotion des sucettes, ou pour en faire une sorte de faire-valoir de la marque. Cette représentation tendait exclusivement à mettre en avant le fait que les sucettes en cause s’adressent à un public adulte, ce qu’explicite clairement le slogan « For adults only ».

Elle ajoute, enfin, que cette représentation n’induit aucune idée de soumission ou de dépendance et que la lecture critique à laquelle se livre le plaignant de cette silhouette, en affirmant qu’elle présenterait la femme comme « forcément offerte, aussi tentante qu’une sucette ou l’inverse », lui apparaît injustifiée. Elle expose à ce sujet, qu’outre qu’elle est dénuée de toute connotation sexuelle explicite, la silhouette est également dépourvue de tout caractère provocant ou suggestif de sous-entendu. Elle est donc dépourvue des caractères qui sont examinés par le JDP lorsqu’il a à se prononcer sur le point de savoir si une femme est, ou non, présentée comme « offerte » dans une publicité.

– La société d’affichage expose que, concrètement, le visuel mis en cause consiste à reproduire un dispositif d’enseigne lumineuse composé de néons de couleur rose, retraçant les lettres des mots « For adults only » ainsi que la silhouette d’une femme assise de côté les bras levés.

Elle précise qu’il s’agit d’une campagne décalée, qualifiée même par les spécialistes du marketing d’« audacieuse et d’irrévérencieuse » destinée à promouvoir un produit auprès du marché des jeunes adultes, alors que les sucettes de la marque visent habituellement le consommateur enfant. Il s’agit pour cette campagne de mettre en avant le recours à ce produit pour la détente, la distraction, la fin d’un repas, en lieu et place d’un café ou d’une cigarette…

Ceci explique le recours au slogan « For adults only » et l’appel à l’imagerie de lieux habituellement dédiés aux divertissements pour adultes.

La posture de la femme représentée n’est ni dégradante, ni humiliante. Elle n’est pas comparée ou assimilée ou mise en balance avec une sucette à la menthe, c’est l’imagerie de l’enseigne lumineuse pour un lieu de divertissement pour adultes qui est simplement utilisée pour faire un parallèle avec un produit qui leur est avant tout destiné.

4. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image de la personne humaine » de l’ARPP dispose en son point 2 que :

« 2.1 La publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet.».

Il relève qu’ainsi que l’exposent l’annonceur et l’afficheur, la silhouette féminine apparaissant dans cette publicité sous la forme d’une enseigne lumineuse vise à évoquer, selon leur terminologie, des « lieux de divertissement réservés aux adultes ». Cependant, contrairement à ce qu’ils soutiennent, cette iconographie de la femme assise sur ses talons, bras levés et repliés autour de la tête, ne renvoie pas à n’importe quel lieu de divertissement mais à ceux spécifiques de spectacles érotiques.

Si le Jury comprend le ressort de second degré, qui se veut humoristique et par lequel la société annonceur promeut ses sucettes réservées aux adultes en associant le produit à ce type d’imagerie, il ne peut que constater que le visuel choisi renvoie à une symbolique typique de la femme objet.

Il est sans portée que d’autres annonceurs aient associé des silhouettes féminines à leurs produits. Le Jury relève d’ailleurs à ce sujet que les exemples auxquels se réfère la société annonceur concernent non pas des publicités, mais des emballages de produits et que, de surcroît, ceux-ci sont en lien avec la minceur ou l’hygiène féminine, que l’un d’eux est un ouvrage de librairie et le dernier une marque symbolique typiquement régionale, tous deux couverts par le droit d’auteur.

Le Jury est donc d’avis que la publicité en cause n’est pas conforme aux points précités de la Recommandation.

Le présent avis sera publié sur le site internet du Jury de Déontologie Publicitaire.

Avis adopté le vendredi 6 novembre 2015 par Mme Michel-Amsellem, Présidente, Mme Lieber, Vice-présidente, Mmes Drecq et Moggio et MM. Benhaïm, Carlo et Leers.