Avis JDP n°343/14 – MODE ACCESSOIRES – Plainte fondée

Avis publié le 06 octobre 2014
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire, 

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,

– et, après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 12 du règlement intérieur, 

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 28 juillet 2014, d’une plainte émanant d’un particulier afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une campagne publicitaire, diffusée à Marseille, en affichage, par l’annonceur, pour ses lunettes de soleil.

Les visuels en cause présentent, en gros plan, pour l’un, deux personnages, pour l’autre un seul, de profil, portant les lunettes de soleil. En arrière plan, au loin, on aperçoit deux voitures qui évoluent dans le désert.

2. Les arguments échangés

La personne plaignante fait valoir que le ou les véhicules figurant sur ces publicités roulent très clairement en dehors de toute voie carrossable, contrairement aux règles en vigueur en France. Sur la publicité affichée sur la Canebière, le visuel fait penser à un désert et sur la publicité affichée sur la Corniche, les éléments de contexte (Bonne Mère et slogan) suggèrent une photo prise à Marseille sur la plage.

La société annonceur a été informée par courrier recommandé avec avis de réception, en date du 29 août 2014, de la plainte dont copie lui a été transmise, des dispositions dont la violation était invoquée et de l’examen de la plainte dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du Jury.

Elle fait valoir que les publicités en cause sont deux affiches de grande taille promouvant une marque de lunettes qui sont fixées sur des immeubles situés dans les quartiers de la Canebière et de la Corniche à Marseille. Elles représentent des personnes portant des lunettes de soleil devant un paysage, et en arrière plan un ou plusieurs véhicules qui se déplacent.

L’annonceur ne conteste pas que les véhicules représentés sur les publicités ne roulent pas sur une voie carrossable au sens des textes français, mais précise que ces véhicules sont des voitures de course évoluant sur une piste dédiée à ce sport dans le désert californien.

Il s’agit d’un lieu connu pour ses pistes où ont lieu des courses de vitesse (notamment de la Southern California Timing Association). Il ajoute qu’il est tout à fait légal, aux Etats-Unis, de rouler au milieu de cette étendue de sel qui semble sans limite – et correspond à l’univers de la marque.

L’annonceur explique qu’il est une entreprise italienne spécialisée dans la création, la fabrication et la distribution en gros de produits de lunetterie optique, solaire et sport et qu’il est présent dans le monde entier par l’intermédiaire de ses filiales et/ou ses établissements secondaires en Europe, Asie, Afrique et en Amérique. La marque concernée est l’une de ses marques propres les plus importantes. Il précise qu’en raison de la diffusion internationale de ses produits, elle a fait le choix de recourir aux services d’une société américaine spécialiste dans la création et la réalisation de communications publicitaires et que sa mission consistait aussi  à s’assurer que la campagne publicitaire serait en conformité avec l’ensemble des lois applicables dans les pays dans lesquels elle serait diffusée, ce qu’elle n’a visiblement pas fait s’agissant de la France.

La société indique qu’elle ne connaissait pas l’existence de la Recommandation « Développement durable » ni de la réglementation française invoquée, avant de recevoir la lettre de l’ARPP et n’avait donc pas conscience que sa publicité ne respectait pas les principes de déontologie publicitaire français. Elle ajoute que ni le droit italien, ni le droit européen  ne comportent de semblables dispositions.

Elle fait aussi remarquer que la société en charge de l’installation de campagnes de publicité mises en cause, a demandé l’autorisation préalable de la ville de Marseille d’installer la toile murale au n°84 Corniche Kennedy à Marseille, laquelle lui a été accordée par un arrêté sans réserve ou commentaire sur une éventuelle non-conformité.

L’annonceur ajoute que la réalisation de la campagne de publicité par une société spécialisée chargée de contrôler sa conformité, ainsi que l’obtention de l’autorisation de la ville de Marseille pour installer cette publicité sur la façade d’un immeuble à Marseille, lui ont donné une apparente garantie de conformité de la publicité avec la réglementation française.

L’annonceur ne souhaite pas que le manquement identifié dans la plainte perdure et s’engage donc à s’assurer de la conformité de ses campagnes publicitaires à l’avenir.

Pour ce faire, elle s’est s’engagée à :

– retirer dès que possible les supports de publicité à Marseille ;

– ne pas procéder à de nouvelles publications de celles-ci ;

– veiller au respect de la réglementation dans ses futures publications ;

– communiquer aux agences de publicité en charge de la réalisation de ses campagnes, les recommandations de l’ARPP et les sensibiliser à la nécessité de se conformer à ces règles.

Pour la société, tous ces éléments témoignent de sa bonne foi et de sa volonté immédiate de s’inscrire dans une démarche de conformité aux recommandations de l’ARPP.

– L’Autorité de régulation professionnelle de la publicité indique être intervenue, au mois de juin 2014, auprès de la société annonceur et des médias concernés, à la suite de la diffusion en presse et sur Internet, des visuels de la campagne publicitaire.

L’ARPP a rappelé à ce titre les dispositions de ses Recommandations déontologiques « Développement durable » et « Automobile », mais également celles de l’article L.362-4 du Code de l’environnement.

A titre accessoire, l’ARPP a également rappelé le respect de la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française concernant la présence de mentions en anglais.

3. L’analyse du Jury 

Le Jury rappelle à titre liminaire qu’il n’est pas une instance juridictionnelle, et qu’il ne lui appartient en aucun cas d’apprécier la conformité d’une publicité aux règles législatives et réglementaires en vigueur. Il se borne à émettre des avis sur le respect par les publicités dont il est saisi, eu égard à leur contenu, des règles déontologiques que la profession s’est prescrite.

En outre, il ne lui appartient pas de mettre en cause la responsabilité des professionnels qui ont concouru à l’élaboration d’une publicité, ni de s’immiscer dans des litiges d’ordre contractuel entre annonceurs et agences de publicité. Il n’a pas davantage à apprécier le bien-fondé de la position adoptée par les autorités administratives amenées à autoriser l’affichage d’une publicité.

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) prévoit dans son point 9/1 que « La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, et a fortiori valoriser, des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple : (…) e/ La représentation, sous quelque forme que ce soit, de véhicules à moteur en milieu naturel devra clairement les positionner sur des voies ouvertes à la circulation. »

Le Jury constate que les visuels publicitaires en cause représentent des voitures circulant dans un espace naturel, sans qu’aucun élément de contexte donne à penser au public qu’ils se trouveraient sur des voies ou espaces sur lesquels des véhicules pourraient circuler légalement, en particulier sur la « piste de course du lac asséché d’El Mirage » évoquée par la société annonceur.

Dans ces conditions, le Jury est d’avis que ces visuels publicitaires ne sont pas conformes aux dispositions précitées de la Recommandation « Développement durable ».

Il prend note des engagements de la société de faire cesser la diffusion de ces publicités et de veiller à son respect dans ses campagnes publicitaires futures.

Le présent avis sera publié sur le site du Jury de Déontologie Publicitaire.

Avis adopté le 2 octobre 2014 par M. Lallet, Vice-Président, Mme Drecq et MM. Benhaim, Lacan et Leers.